Paru dans le nouvel Obs le 30 juin 2025 :
https://www.nouvelobs.com/
Nous, acteurs de terrain, chercheurs et membres d’organisations syndicales, professionnelles et associatives faisons un constat sans appel : la peine de prison échoue à empêcher les personnes de commettre de nouvelles infractions. Loin de réduire la récidive, elle la renforce, au détriment de la sécurité publique comme de l’intérêt général.

Depuis plus de 30 ans, la recherche internationale dégage, pourtant de façon claire, les méthodes les plus efficaces pour réduire la récidive d’infractions pénales. Le What Work’s, « ce qui marche », réside ainsi dans l’accompagnement des personnes condamnées, par des professionnels formés à analyser de façon fine, structurée et méthodique, les facteurs de récidive, afin de centrer la prise en charge précisément sur ce qui pose problème.

En réalité, la seule mise à l’écart d’une personne, sans programme d’accompagnement, le plus souvent dans des conditions inhumaines et dégradantes, produit de la délinquance. La fonction dissuasive de la prison – autrement dit le risque de subir une peine d’emprisonnement – n’a pas l’effet préventif escompté.

Pour autant, et en dépit des records successifs de surpopulation carcérale, le récit du prétendu « laxisme » de la justice et la promotion du tout carcéral restent dominants :

  • malgré son coût exorbitant et son absence d’efficacité, la sanction par la prison reste la référence absolue.
  • Une rupture des politiques pénales est indispensable.
  • Aucune fatalité à cette situation, la France peut suivre l’exemple positif des pays qui favorisent d’autres peines que la prison.

Nous appelons à sortir des postures idéologiques et à adosser le travail législatif aux résultats de la recherche et aux retours d’expérience des terrains. Pour la plupart des auteurs d’infraction, qu’ils soient mineurs ou majeurs, une peine efficace est une peine de probation décorrélée de la prison.

L’emprisonnement doit ainsi être réservé aux infractions les plus graves. Pour créer un nouvel état d’esprit dans la société et mettre fin au modèle de la prison comme peine de référence, le législateur doit établir une nouvelle échelle des peines :
amende, probation, prison.

La peine de probation pourra résulter de la fusion des peines, dites de « milieu ouvert », dont le contenu sera alors individualisé, au cas par cas : notamment obligations judiciaires, travail d’intérêt général, placement extérieur, surveillance électronique.

Contrairement aux récentes affirmations du ministre de la Justice, la sanction du non-respect de la mesure de probation doit être graduée et adaptée, et ne pas entraîner systématiquement une incarcération.

Ce changement de paradigme doit s’accompagner d’une redistribution des moyens de la justice en faveur de la prévention de la récidive et de la réinsertion des personnes placées sous main de justice. Ce n’est qu’ainsi que l’on travaillera réellement à la sécurité de tous sans pour autant renoncer au respect des droits humains.
Nous appelons, par ailleurs, à repenser la politique pénale, en menant une réflexion sur la durée opportune des peines, la dépénalisation de certains comportements aujourd’hui réprimés par la loi pénale, et la définition d‘infractions pour lesquelles la peine de prison peut être écartée. Il est nécessaire de faire un usage assumé et raisonné de l’opportunité des poursuites afin de concentrer les moyens là où les besoins sont les plus importants.
Nous, acteurs de terrain de la justice pénale, chercheurs, membres d’organisations syndicales, professionnelles et associatives, sommes prêts à porter ce projet.

Signataires :
• L’AFC (Association Française de Criminologie)
• Le SNEPAP-FSU (Syndicat national de l’ensemble des personnels de l’administration pénitentiaire)
• L’ANJAP (Association Nationale des Juges de l’Application des Peines)
• L’OIP (Observatoire International des Prisons)
• Le GMP (Groupe multi-professionnels Prison)
• Le SM (Syndicat de la magistrature)

auxquels se sont joints également :

• Julia SCHMITZ, Enseignante chercheuse de l’université de Toulouse
• Sarah DINDO, Consultante sur les questions de probation
• La CNDPIP (Conférence nationale des directeurs pénitentiaires d’insertion et de probation)
• L’UNDPIP (Union nationale des directeurs pénitentiaires d’insertion et de probation)
• La FARAPEJ (Fédération des Associations Réflexion-Action, Prison Et Justice)
• L’Association des Anciens du GENEPI et de REBOND
• L’Association Amour de la justice

ManifesteVDEF publié pour une peine plus juste et plus efficace


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