Limoges, 10-12 octobre 1974, XIVe Congrès AFC sur « Le monde des affaires et sa délinquance ».
Limoges. – » Ne faudrait-il pas dépénaliser sinon totalement, du moins partiellement, certains délits d’affaires ? » Sur ce souhait surprenant s’est achevé, le 12 octobre à Limoges, le congrès français de criminologie. En se donnant pour thème » Le monde des affaires et sa délinquance « , ce congrès n’avait manifestement pas pour but de nier la » criminalité en col blanc « . Après trois jours de débats – assez neutres, il est vrai, – on ne pouvait guère s’attendre à une conclusion aussi négative. Ce fut pourtant celle du rapport général présenté par Me Roger Merle, avocat, professeur à l’université des sciences sociales de Toulouse, qui a reproché à la justice une » création artificielle de la délinquance » et regretté une » stigmatisation » excessive des délits financiers dans la presse et même dans les » déclarations gouvernementales « . C’était là une manière sans doute originale de faire la synthèse des travaux d’une assemblée où l’on a notamment rappelé que la dissimulation fiscale représente chaque année le butin de plusieurs milliers de hold-up, où un procureur général a déploré que la majorité des délits d’affaires – et parmi ceux-ci les plus graves – ne puissent être poursuivis, où enfin on a généralement souligné la nécessité d’un net renforcement de l’appareil judiciaire dans ce domaine.
En dépit de la présence de magistrats et de policiers spécialisés, ce congrès aura souffert d’avoir fréquemment négligé l’examen d’exemples concrets dont l’actualité récente ne manque pourtant pas. Souvent, les participants ont paru se laisser dépasser par la » dimension » du sujet et se contenter de généralités, ou, à l’inverse, d’une précision excessive sur des aspects annexes. Ainsi, tandis que l’on venait de reconnaître qu’il était vain d’établir un portrait-robot du délinquant d’affaires, était-il nécessaire qu’une commission cherche à en définir la personnalité jusqu’à la caricature ? » Un séducteur, souvent âgé de quarante à cinquante ans, doué d’une hypersocialité, dont l’attitude n’est pas dépourvue d’éléments ludiques, tantôt inadapté, tantôt hyperadapté. » L’impossibilité – sinon l’inutilité – d’établir des classifications, une typologie, devait permettre à Me Merle d’affirmer plus tard : » Criminologiquement, le délinquant d’affaires n’existe pas. «
Le congrès s’est toutefois départi de sa neutralité à l’occasion de deux interventions. L’une d’elles devait être remarquée – et vivement critiquée. M. Jean-François Lachaume, professeur de droit à Poitiers, a déclaré : » L’argent, le pouvoir, la politique (thème des réflexions de l’une des commissions) : voilà un ménage à trois inéluctable. » Il a affirmé que l’intervention croissante de l’État dans le domaine économique favorisait » l’interférence des puissances d’argent dans la politique « , et ajouté que le financement des partis et des campagnes électorales par des capitaux privés entraînait une collusion inévitable dont l’existence est un facteur criminogène : » Si le pouvoir peut s’acheter, il peut se vendre. «
Un autre juriste, Mme Marie-Elisabeth Cartier, a accusé certaines administrations, celle des impôts notamment, de ne pas informer suffisamment la justice de certaines pratiques ou situations douteuse.