Congrès de criminologie à la Sorbonne du 18.09.1950
A l’heure où la criminologie cherche à se structurer en france, cette courte interview de Jean bernard Herzog nous rappele que ces mêmes enjeux étaient déjà presents dans les années 50 : celles du developpement de la criminologie et des « sciences de l’observation » pour traiter le crime .
Léon ZITRONE interviewe ici le procureur de la République Jacques Bernard HERZOG sur les sujets de réflexion du congrès de criminologie en cours:
- comment l’étude des crimes ne se fait plus seulement en considérant l’acte mais aussi la personnalité du criminel ;
- dès lors il faut faire appel aux spécialistes « des sciences d’observation », la recherche d’une méthodologie commune de la criminologie.
- La criminologie ne peut pas être une fin en soi mais un moyen mis à la disposition des juges, nécessité d’une spécialisation du magistrat criminel qui doit avoir des connaissances biologiques, psychiatriques, psychologiques, psychanalytiques,
- Le problème pénitencier est avant tout un problème humain, les sciences pénitentiaires et criminelles doivent évoluer.
JACQUES-BERNARD HERZOG
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DE LÉGISLATION COMPARÉE (Marc ANCEL 1969)
Jacques-Bernard Herzog était bien connu des familiers de la rue SaintGuillaume, mais il était également très connu de tous les comparatistes actuels, en France et à l’étranger. Ses attaches avec le droit comparé ont été nombreuses. Elles ont tout de suite marqué son orientation scientifique et lui-même a beaucoup donné à la science comparative, pour laquelle sa disparition constitue une lourde perte.
Il était né à Paris le 21 décembre 1914. Après de brillantes études il s’était, en 1936, inscrit comme étudiant à l’Institut de droit comparé créé depuis peu à l’Université de Paris. Il devait en être diplômé en 1937. Mais, tout de suite, il s’était signalé par l’intérêt qu’il portait aux études comparatives, à tel point que, sans plus tarder, on l’avait incorporé comme chercheur dans les premières équipes de travail constituées à cet Institut.La guerre devait l’éloigner de Paris et, au début de 1944, il traversa les Pyrénées dans des conditions particulièrement difficiles et avec un très grand courage, pour se rendre à Alger où il entra au Commissariat à la Justice avec M. François de Menthon. Il semblait alors que les circonstances dussent l’écarter pour quelque temps des études comparatives. Il faut rappeler cependant qu’en 1942 il avait soutenu à Toulouse, avec le plus grand succès, une excellente thèse sur le Tribunal suprême d’Espagne.
Par la suite, il a collaboré notamment avec M. Champetier de Ribes, et surtout avec M. Coste-Floret, dont il devint chef, puis directeur du cabinet. Il fut surtout appelé, immédiatement après la guerre, à participer comme substitut au Tribunal militaire international de Nuremberg, et cette activité marqua une orientation nouvelle de sa carrière à la fois judiciaire et scientifique.
Jacques-Bernard Herzog a fait, en effet, une carrière judiciaire très brillante et particulièrement rapide. Il y avait débuté comme juge au Tribunal de Montargis en avril 1945. Il fut ensuite délégué au ministère de la Justice, puis au Tribunal de la Seine, avant de devenir substitut à ce Tribunal, puis premier substitut et substitut du Procureur général près la Cour d’appel de Paris. Il devait être nommé procureur général à Besançon en 1965 et conseiller à la Cour de cessation en octobre 1967.
Dans ses fonctions judiciaires, il s’était, en tant que magistrat du Parquet, spécialisé dans les affaires financières et, en cette qualité, il avait eu à connaître et à régler de très importants dossiers. Il fut amené également à donner de nombreuses notes de jurisprudence dans les différents recueils et des articles très appréciés dans Y Encyclopédie Dalloz. Aussi bien son renom de pénaliste s’était-il largement répandu, et c’est à ce titre qu’on le vit dans de nombreux congrès, colloques ou réunions internationales et qu’il devint tour à tour secrétaire général adjoint de l’Association internationale de droit pénal, secrétaire général de la Société internationale de défense sociale secrétaire général du Centre d’études de défense sociale créé à l’Institut de droit comparé de l’Université de Paris.
De 1955 à 1963, il fut secrétaire général de cet Institut de droit comparé, et il participa en même temps de manière active aux travaux de la Société de législation comparée et aux Journées, aux Colloques ou aux Rencontres organisés par elle. Comme secrétaire général de l’Institut de droit comparé, il avait eu l’occasion de diriger ou d’assurer la publication de nombreux ouvrages publiés dans les Collections de cet Institut, et c’est ainsi qu’il s’intéressa tour à tour à des sujets aussi divers que les immunités parlementaires, la promulgation et la publication des textes législatifs, le divorce, les régimes matrimoniaux et l’adoption. Il participa également aux travaux de la Fondation internationale pénale et pénitentiaire, et on lui doit spécialement à ce sujet une synthèse des travaux du Colloque tenu à Strasbourg sur les conceptions modernes de l’action pénitentiaire.
Ses travaux sont trop nombreux pour que l’on songe à les énumérer tous ici. Les distinctions ou les décorations qu’il avait reçues en France ou à l’étranger sont également multiples, et nous nous contenterons de rappeler qu’il avait été nommé membre associé correspondant de l’Institut de biotypologie criminelle de Sao Paulo et membre associé de la Société brésilienne de criminologie, qu’il avait reçu le diplôme d’honneur du Premier Congrès pénal et pénitentiaire de l’Equateur en 1957, qu’il avait été nommé membre d’honneur de l’Institut de criminologie de Buenos Aires en 1950, et qu’en 1953 il était devenu membre associé de la Société de médecine légale de France.
Pénaliste et comparatiste, Jacques-Bernard Herzog a donc réalisé une œuvre considérable, et nous voudrions ici marquer essentiellement les raisons pour lesquelles il nous semble qu’il était tout naturellement destiné à consacrer une large part de son activité au droit comparé.
Il y était poussé d’abord par sa curiosité d’esprit, par son désir constant d’apprendre, de connaître et de comprendre. Il avait un sens naturel de la sympathie, un goût prononcé pour le rapprochement, le contact humain et les échanges intellectuels. Le droit comparé correspondait, chez lui, à cette tendance universaliste qui a profondément marqué son activité et son œuvre et qui était caractéristique de son esprit.
Il était servi, dans cette recherche comparative, par quelques qualités précieuses. D’abord, son esprit critique toujours en éveil, qui lui permettait de n’être dupe ni des apparences illusoires, ni des divergences occasionnelles.
Il avait en outre une remarquable probité scientifique qui le portait à ne rien affirmer qu’il n’eût préalablement vérifié et qu’il ne fût en mesure de démontrer ou de justifier. Il avait enfin une non moins remarquable puissance de travail et une grande ardeur à la recherche juridique. Il ne ménageait ni son temps ni sa peine, au risque même — nous en avons eu malheureusement la démonstration — de compromettre sa santé.
Son activité de comparatiste s’est exercée dans deux directions principales. La première a été le droit pénal comparé, qu’il a envisagé surtout sous l’angle de l’évolution des doctrines et des conceptions modernes. Il s’est alors tout naturellement intéressé aux doctrines de la défense sociale, dont il a compris le caractère à la fois humaniste et universaliste. Si, à certains moments, et pour des raisons contingentes, il a paru s’en éloigner, nous savons qu’il n’a jamais abandonné cet idéal et qu’il n’a pas renié cette orientation généreuse <en tant que critique constructive et protectrice de l’être humain dans ses perspectives internationales.
Jacques-Bernard Herzog, en tant que comparatiste, a également étudié avec un soin particulier les systèmes de l’Amérique latine. Ses connaissances linguistiques l’aidaient à observer le développement de ces législations multiples en pleine évolution, dont il aimait suivre les phases successives. Il manifestait en outre une compréhension particulière, non seulement de ce type
de législation, mais des milieux où elles devaient s’appliquer et de ceux-là même qui travaillaient à leur amélioration. Ses affinités électives avec les juristes ibéro-américains ont joué un grand rôle dans la carrière scientifique de Jacques-Bernard Herzog.
Il était naturel qu’il devînt rapporteur général de la Section ibéro-américaine de notre Société, lorsque après la disparition prématurée de Felippe de Sola Canizares elle fut reconstituée sous la présidence du conseiller d’Etat Puget. Ce dernier devait à son tour disparaître au moment même où, avec J.-B. Herzog, il mettait au point un nouveau programme de travail. Eloigné un moment de Paris, Jacques-Bernard Herzog dut suspendre, ou du moins ralentir, les travaux qu’il projetait en ce domaine ; mais nous savons, par les dernières conversations que nous avons eues avec lui, combien il y était attaché. Revenu dans la capitale, il envisagea aussitôt de reprendre sans tarder l’œuvre entreprise ; mais déjà il se trouvait frappé par les premières atteintes du mal implacable qui l’emporta l’été dernier.
Jusqu’au bout il avait voulu se dévouer à cette science comparative à laquelle il a tant donné. Notre Société, qui comptait en lui un de ses animateurs les plus éclairés et les plus fidèles, salue sa mémoire avec infiniment d’émotion et de gratitude.
Marc Ancel
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